Le rapport de Human Rights Watch a été rendu public, hier à Dakar. Dans le document, l’organisme de défense des droits humains n’a pas ménagé Macky Sall et son régime. De l’emprisonnement des opposants politiques, à la suspension des média notamment WalfTv en passant par l’incarcération des journalistes, les critiques sur les tenants du pouvoir n’ont pas manqué.
«Les autorités sénégalaises répriment l’opposition, les médias et la société civile à l’approche des élections générales qui doivent se tenir le 25 février 2024», observe Human Rights Watch dans son rapport rendu public, hier, à Dakar.
Il ajoute que les autorités devraient enquêter de manière efficace «sur toutes les violences commises par les forces de sécurité, libérer les personnes détenues arbitrairement, y compris pour des raisons politiques, et garantir les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, essentiels à des élections véritablement libres et équitables».
«La promesse du président Macky Sall d’organiser des élections libres et équitables est en contradiction avec le fait que les autorités remplissent les prisons de centaines d’opposants politiques depuis trois ans», déclare Ilaria Allegrozzi, chercheuse sur le Sahel à Human Rights Watch.
«Les autorités devraient s’assurer que tous les Sénégalais soient en mesure d’exprimer librement leurs opinions et d’exercer leur droit de vote de manière équitable et pacifique», ajoute Ilaria Allegrozzi.
Le rapport indique qu’entre novembre 2023 et janvier 2024, Human Rights Watch a interrogé 34 personnes, dont 9 membres de partis d’opposition, 13 membres de groupes de la société civile sénégalaise, 6 journalistes, 2 professeurs d’université, 3 avocats sénégalais et 3 proches d’activistes.
Human Rights Watch a également examiné des reportages de médias nationaux et internationaux, des photographies montrant les blessures d’un manifestant à la suite d’actes de torture en juin 2023 et son dossier médical, ainsi qu’une vidéo montrant des gendarmes qui torturent un manifestant, également en juin.
Mutisme du gouvernement
Mieux le 9 janvier, Human Rights Watch a envoyé un e-mail à Julien Ngane Ndour, directeur des droits humains auprès du ministère de la Justice, pour lui faire part de ses conclusions et solliciter des réponses à des questions spécifiques. Malheureusement Human Rights Watch regrette n’avoir pas reçu de réponse.
«Les journalistes ont déclaré que depuis 2021, ils subissent une pression accrue de la part des agents du gouvernement et des forces de sécurité dans l’exercice de leur profession, ainsi que des arrestations arbitraires et des intimidations. Des dizaines de journalistes ont été arrêtés de manière arbitraire, menacés verbalement et agressés physiquement. Des médias ont été suspendus et les autorités ont imposé des restrictions arbitraires à l’accès à l’Internet mobile et aux réseaux sociaux», fait remarquer l’organe de défense des Droits humains.
«Alors que le Sénégal s’apprête à tenir des élections, les enjeux pour sa démocratie sont élevés. Les autorités sénégalaises devraient ouvrir des enquêtes impartiales, indépendantes et efficaces sur tous les cas d’usage de la force par les forces de sécurité tout au long de la crise pré-électorale et veiller à ce que les forces de sécurité respectent le droit de manifester pacifiquement», indique Ilaria Allegrozzi.
3 000 personnes en détention provisoire
D’après la base de données «World Prison Brief» qui fournit des informations sur les systèmes pénitentiaires dans le monde entier, la capacité des prisons sénégalaises est d’environ 7 300 personnes, mais le nombre de détenus, qu’ils soient incarcérés avant leur procès ou après leur condamnation, était de plus de 13 000 en septembre 2023, critique encore Human Rights Watch.
D’une capacité de 600 détenus, la prison de Rebeuss enferme actuellement plus de 3 000 personnes en détention provisoire, dont plus de 700 ont été arrêtées dans le cadre de manifestations organisées par l’opposition, relève-t-on dans le rapport.
«Le droit international interdit les conditions de détention qui constituent un traitement inhumain ou dégradant, un seuil atteint par la surpopulation et le manque de services de base adéquats et de dignité pour les personnes enfermées dans les centres de détention provisoire du Sénégal», déclare Human Rights Watch.
Indiquant que les journalistes ont confié qu’ils étaient «réticents à critiquer le gouvernement pour éviter d’être étiquetés comme des opposants politiques et d’être pris pour cible».