La grande aventure avec Walf et bébés (Walf Grand’Place, Walf Quotidien, Walf Fm, Walf TV) pourrait restituer la passion pour le journalisme de Moustapha Diop, directeur de Walf TV-Walf FM. Ce métier de passion logé à la bonne enseigne dans une nouvelle parution intitulée « Chemins De Traverse – Chronique d’une actu mouvementée ». Voici les bonnes feuilles fertiles en péripéties au coeur des Rédactions du groupe.
La grande aventure Walf
L’expérience de Walf Grand’Place a tourné court. Et je crois que la meilleure explication est celle donnée par Sidy Lamine Niass lui-même. Ce qu’il voulait, c’est, après avoir fait Walf Quotidien pendant plusieurs années, créer un journal spécialisé, Walf Sports et ensuite le journal people Walf Grand’Place. Jean Meïssa Diop avait l’habitude de dire qu’après avoir fait du sérieux pendant plusieurs années à Walf Quotidien, Walf Grand-Place lui permettrait de rire un peu. Walf Grand’Place est né dans cet esprit : faire moins «sérieux» que Walf Quotidien.
Mais très vite, on s’est rendu compte qu’au lieu de faire un journal vraiment people, on faisait presque du tout. Ce qui faisait que la même actualité, tu pouvais l’avoir en même temps dans Walf Grand-Place et dans Walf Quotidien. Je pense que c’était une erreur de stratégie. Et Sidy Lamine Niass en a tiré cette conclusion :
«Les gens ont tellement l’habitude de parler de Walf que, si tu leur proposes un journal de Walf, ils te disent trois en un.» C’est-à-dire, tu achètes n’importe lequel de ces deux quotidiens, tu as l’autre. Et au même prix ! Ce qui fait que les gens ne faisaient pas trop la différence entre Walf Grand-Place et Walf Quotidien.
Ça avait commencé à marcher au début, avec un tirage conséquent. Mais, très vite, on a dévié de la ligne de départ. Je pense que ce sont ces deux facteurs qui ont fait que l’expérience a tourné court.
Saut dans le milieu (i) magique de la télé
Ce qui est intéressant dans ma transition de la presse écrite vers la télévision, c’est que cela s’est fait en plusieurs étapes. Après l’expérience Grand-Place, j’avais pris la décision de quitter Walf. L’équation était très simple. C’est Jean Meïssa Diop qui m’avait fait venir à Walf. Alors, s’il décide de partir de Walf, je pars avec lui. Vers la fin de l’année, c’était un mois de décembre, j’étais en congé. Sidy Lamine m’a appelé et me dit :
«Écoute, l’expérience Grand-Place, c’est fini. Je vais céder tout le matériel à Jean Meïssa et son équipe ; je vais leur céder le titre du journal et les accompagner. Toi, je veux que tu restes à Walf, parce que j’ai des projets pour toi et Ndèye Awa Lô (elle-même ancienne journaliste de Walf Grand’Place). Je veux que vous restiez.»
Je lui ai répondu : «Mais Sidy ce n’est pas possible !» Parce que, pour moi, il n’était pas question que je reste à Walf sans Jean Meïssa. Alors, à la fin de mes congés, j’appelle l’administration de Walf pour demander comment cela va se passer, si je décide de partir. Ils m’ont dit :
«Écoute, la majorité des employés de Walf Grand’Place ont des contrats à durée déterminée (CDD). S’ils partent avec Walf Grand’Place, ils seront indemnisés. Toi, par contre, tu as un contrat à durée indéterminée (CDI). Ce qui veut dire que si tu décides de partir, tu démissionnes. Et si tu démissionnes, tu n’auras droit à aucune indemnité.»
Cela méritait réflexion. Car le salaire, au Sénégal, c’est pour toute la famille : femmes, enfants, cousins, cousines, etc. Après réflexion, je décide de reprendre le travail. Et Sidy m’a dit : «Considère que tu es membre de Walf Quotidien.»
Au début, je ne participais pas aux réunions de rédaction du journal. Je restais dans le bureau de Baba Mballo (actuel chef de desk Actualités de Walf Quotidien), attendant qu’on me donne des tâches à faire.
Après quelques mois à Walf Quotidien dans ce contexte, un jour, Sidy Lamine m’appelle et me dit : «J’avais demandé à Mame Anta Ndour et Betty Mboup de me faire le diagnostic de la radio : qu’est-ce qui marche et qu’est-ce qui ne marche pas. Voilà le résultat du travail qu’elles ont fait. Je te le confie et tu travailles avec elles sur un nouveau programme. Je ne cherche pas un rédacteur en chef, je veux un directeur pour la radio. Fais le travail et on verra.» Sidy, c’est comme ça, il ne te nomme pas, il te met à l’épreuve. J’ai commencé le travail avec Mame Anta et Betty.
Au début, c’était difficile. J’ai dit à Sidy que j’ai besoin d’un groupe de journalistes qui ne sont pas à la télé, mais qui sont exclusivement radio. Il me propose de prendre des étudiants et j’ai pris des étudiants d’une école qui était à côté. C’était les Assane Guèye, Aicha Diakhaté, Safiétou Cissé, qui était déjà dans la rédaction de Walf Quotidien, et d’autres dont j’ai oublié le nom. On a travaillé dans ces conditions jusqu’en 2016.
Très vite, Dieu a mis sa main dans cette affaire. Parce qu’il y a eu des évènements qui se sont passés et qui nous ont permis de replacer la radio en un temps record et de nous donner nous-mêmes un nom. Vers la fin du mois de mai 2016, il y avait l’affaire Karim Wade. Il y a un bruit qui faisait le tour des rédactions en ces temps, faisant état d’une possible libération du fils du président Abdoulaye Wade dans les semaines qui suivraient. Un jour, je reçois un appel d’un avocat de Karim avec qui je discutais beaucoup sur cette affaire. Il me dit :
«Il faut surveiller Rebeuss.» Je n’avais pas bien compris ce qu’il voulait dire. Il me dit : «Il se passe là-bas des choses dont nous, avocats, nous ne sommes pas au courant.» Au mois de juin, après le travail, j’étais rentré chez moi. J’étais sur ma natte de prière vers 00 h et je reçois un appel du correspondant de Walf TV à Touba, Mamadou Makhtar Sarr, qui me demande où je suis. «Chez moi», lui ai-je répondu.
Il me dit : «Karim Wade sera libéré d’un moment à l’autre. Je suis comme ça dans une cérémonie religieuse à Touba. Et j’ai entendu des marabouts mbacké-mbacké dire que Serigne Moustapha Mbacké, fils ainé de Serigne Cheikh Sidy Moukhtar Mbacké (khalife général des mourides à l’époque) s’est rendu à Dakar pour rencontrer Karim Wade qui doit sortir de prison.» C’était extraordinaire, car c’était déjà la nuit !
Alors, j’ai allumé la radio pour surveiller la concurrence. Et quand je suis tombé sur RFM, j’entends leur jingle qui annonce une édition spéciale. Et tout de suite, je me suis dit que l’information est vraie. Je sors de chez moi, je saute dans un taxi en direction de Walfadjri. Et dans le taxi, je demande au taximan de mettre la RFM.
J’entends Alassane Samba Diop annoncer la libération de Karim Wade. Arrivé à la rédaction, journaliste de la presse écrite transféré à la radio, j’ai les machines devant moi, mais je ne sais pas comment les manier. J’appelle un technicien qui me dit qu’il est à Thiaroye. Je lui dis de prendre un taxi et de venir.
À son arrivée, on démarre l’édition, mais il n’y avait presque personne à appeler, car la plupart étaient au lit et n’étaient pas au courant. On a maintenu l’antenne jusqu’au petit matin à 7 h.
L’équipe de l’édition du matin, dirigée par Mame Anta Ndour, vient me remplacer. Je suis rentré chez moi pour dormir.
À 15 h, je reviens. J’avais déjà perdu la voix. Je pense que c’est en ce moment que les gens se sont dits : ce Moustapha Diop, il était à la presse écrite, mais peut-être qu’il est fait pour la radio.
Lorsque je suis revenu à l’antenne à 15 h, je reçois un autre appel de Mamadou Makhtar Sarr qui me dit qu’Idrissa Seck est à Touba. Je lui ai dit qu’il nous faut sa réaction sur la libération de Karim.
Mais, Idy avait refusé de se prononcer sur l’affaire à Touba. Les journalistes l’ont poursuivi jusqu’à la sortie de la ville sainte pour l’interviewer. Quand on l’a eu au téléphone, c’est en ce moment qu’il a prononcé ceci : «Karim Wade est sorti de prison grâce à un deal international.»
Quelques jours plus tard, j’ai réussi à avoir un entretien exclusif avec le président Wade qui m’a appelé lui-même.
Alors, quand tu fais ça, tu commences à devenir célèbre, les gens commencent à reconnaitre ton visage, car tu apparais à la télé, tu parles à la radio et tout.
Mais moi, j’avais un système très simple. À l’époque, je prenais la ligne 23 de Dakar Dem Dikk à partir de son terminus aux Parcelles-Assainies.
Je m’installais toujours derrière, je mets les écouteurs et je baisse la tête. L’affaire Karim Wade a été un déclic, parce que c’est un évènement auquel personne ne s’attendait.
Quand j’ai eu l’information, pour moi, il était hors de question que je reste chez moi. Il fallait que je sorte pour la traiter. On a fait une édition spéciale qui a duré pratiquement 24 heures.
C’était fabuleux, ces moments. Ce sont des évènements qui marquent un journaliste à jamais.