Le discours prononcé par le Président Emmanuel Macron, le 28 août, est une profusion d’arguments apocryphes, c’est-à-dire faux. D’autant plus discutables que les assertions, les explications et les justifications du chef de l’État français accrochent et dépitent par leur triple manque de poids historique, de rigueur démonstrative et de finesse pédagogique.
Passons au crible quelques passages ou quelques saillies de cette longue allocution bien reçue et très ressentie ; notamment en Afrique de l’Ouest !
Je cite le locataire de l’Élysée : « Sans l’opération BARKHANE, le Mali, le Burkina et le Niger n’existeraient plus dans leurs limites territoriales ».
Voilà une thèse qui impressionne un Africain dépourvu de connaissances historiques. Ma réaction en guise de réponse est la suivante :
« Sans le débarquement de Normandie en 1944, conçu et commandé par le Général Eseinhower, la France aurait eu un destin de régions allemandes comme la Saxe et la Rhénanie-Westphalie ».
En effet, ce sont les soldats anglais, américains et canadiens qui ont massivement péri pour libérer la France. Le Général Gaulle était sans troupes sur le sol français.
Les débris de l’armée tricolore étant aux ordres du Maréchal Pétain entouré par la clique des défaitistes ou des collaborateurs comme Pierre Laval. Même la crème des royalistes de France était représentée à Vichy par Raphaël Alibert.
Dans cette situation de désastre où le Général De Gaule n’avait que le micro de la BBC pour lancer son fameux Appel (au secours) du 18 juin, l’esquisse du Salut de la France est enregistrée au cœur de l’Afrique via l’adhésion du Gouverneur Félix Éboué (futur beau-père du Président Senghor) et l’engagement du Général Leclerc, à la tète de sa colonne de tirailleurs africains.
Dans la vie des Nations, il y a eu des hauts et des bas sous tous les cieux, depuis l’aube des temps.
Le Mali et le Burkina contrôlent au moins 40 ou 60% leurs territoires en 2023. En 1940, la France avait perdu la totalité de son territoire. Les Allemands étaient jusqu’au Pas-de-Calais.
De l’Alsace à la Bretagne, toute la France était occupée puis libérée par les Alliés et…les Africains. Chose à ne pas oublier : les tirailleurs africains ont été tragiquement récompensés à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar.
Justement, Emmanuel Macron pense (sans le dire) que les Maliens, les Burkinabés et les Nigériens ne sont pas suffisamment reconnaissants à l’endroit de BARKHANE et des jeunes Français de vingt ans morts sous le chaud soleil Sahel. Effectivement ces dizaines de morts sont dignes de respect et de gratitude.
Toutefois, je rappelle que les sacrifices consentis par les Américains pour la libération de la France n’ont pas empêché le Général de Gaulle de claquer la porte de l’OTAN puis de prononcer le retentissant Discours de Phnom Penh (au Cambodge en septembre 1966) très favorable au Nord-Vietnam d’alors et au Viêt-Cong.
Donc contre les États-Unis ! Ce qui a choqué, à l’époque, les Intellectuels anti-communistes comme Raymond Aron et Jean-François Revel.
L’autre saillie du Discours de l’Élysée sur le Sahel a dévoilé la posture de gladiateur adoptée par le Président Emmanuel Macron sur l’équation que représentent le maintien et/ou le départ de l’Ambassadeur de France à Niamey qu’on peut désormais assimiler au Préfet de la Nièvre…du Sahel. La Nièvre étant un Département de la Bourgogne-Franche-Comté.
Manifestement, la France impose son option et sa volonté à un pays souverain mais faible. Si on était en Angola, en Éthiopie, au Vietnam, au Maroc, en Algérie, au Zimbabwe etc. c’est-à-dire des États qui ont les reins solides, l’Ambassadeur Sylvain Itté ne passerait une nuit, après l’expiration des quarante-huit heures.
Quant aux arguments relatifs à la non-légitimité ou à la non-légalité du CNSP des putschistes de Niamey, ils ont le poids d’un fétu de paille. Un double pied de nez à la logique et à la cohérence ! Combien de fois, les diplomates français ont travaillé étroitement avec des dirigeants non élus ou installés par les baïonnettes ?
Le Général Gaïd Salah en Algérie, le Colonel Doumbouya en Guinée, le Général Al Burhan au Soudan, le Général Al Sissi en Égypte etc. ont opéré des putschs sans provoquer de séisme au Quai d’Orsay.
Et que dire de l’Ambassadeur de France qui travaille avec la Junte de Birmanie ? Une junte qui bombarde ses opposants avec des avions de chasse et décime des milliers de citoyens de la communauté musulmane des Rohingyas…
En vérité, la France n’est forte que de la faiblesses élites africaines ; singulièrement celles de la CEDEAO et du Sahel. Feu le Président Houphouët Boigny disait :
«Si le lézard pénètre dans le mur, c’est parce que le mur s’est lézardé ». Sans jeu de mots. Le lézard n’a ni griffes ni crocs. Et le mur est souvent en béton .
L’autre réalité renseigne que la France n’a de respect que pour les pays qui exigent et imposent le respect de leurs autonomies de décisions. On a vu la France quémander pendant longtemps la réouverture de son ambassade dans la capitale du Rwanda.
Plus spectaculaire encore, la France a imposé une Rwandaise (anglophone et anglophile) à la tête de l’OIF pour faire plaisir au nationaliste ombrageux et teigneux Paul Kagamé. Conséquence navrante : la Secrétaire générale de la Francophonie fait des fautes de syntaxe et de grammaire élémentaire dans la langue Victor Hugo.
Évidemment, au grand dam des pays fondateurs de la Francophonie : le Sénégal de Senghor, le Niger de Diori Hamani, la Tunisie de Bourguiba et le Cambodge du Prince Sihanouk. Ces pays pionniers n’ont pas bronché.
En définitive, la France demeure l’artisan numéro un du ressac ou du reflux de son influence en Afrique de l’Ouest. Je ne me lasserai jamais de paraphraser Sékou Touré :
« Changer de maitre, ce n’est pas se libérer ». Il est donc clair que la Russie, la Chine, la Turquie et autre WAGNER ne sont pas la solution. Mais la France est le problème.