Purge de la contumace de Sonko: Pr Ndiack Fall corrige le procureur

 

Face à la presse hier, le procureur de la République Abdou Karim Diop a déclaré qu’il n’y a pas de lien entre l’arrestation de Ousmane Sonko et la purge de sa condamnation par contumace comme évoqué par ses avocats. Le Professeur en droit pénal, Ndiack Fall botte en touche et fait un cours magistral à l’attention du maître des poursuites et de ses substituts.

« La condamnation à deux ans ferme de Ousmane Sonko tombe à l’eau. Elle n’a plus de fondement juridique. Monsieur Sonko doit être rejugé pour ce fameux délit de corruption de la jeunesse » !

Le Professeur de droit pénal à la retraite, Ndiack Fall, clôt ainsi le débat sur le lien entre l’arrestation, vendredi dernier, de Ousmane Sonko et la purge de sa condamnation par contumace à deux ans de prison dans l’affaire Sweet Beauté.

Invité de l’émission ‘’Objection’’ de ce dimanche sur Sud Fm, le pénaliste a littéralement battu en brèche les déclarations du procureur de la République qui a affirmé, hier en conférence de presse, que l’arrestation du leader de Pastef n’avait aucun lien avec l’exécution de la décision de justice issue de l’affaire de viol et que cette condamnation par contumace était « définitive ».

« Dire que la condamnation est définitive est inexact puisque la condamnation par contumace revêt un caractère précaire. Autrement dit, on peut y revenir tant que le délai de prescription de la peine n’a pas expiré », objecte le Pr. Fall.

La contumace saute, peu importe les raisons de l’arrestation 

Le professeur Fall est formel : « Dès qu’il dit nous avons procédé à l’arrestation de Monsieur Ousmane Sonko, la condamnation par contumace a sauté.» 

Selon lui, par définition la condamnation par contumace est précaire, c’est-à-dire qu’elle n’est pas définitive. Les règles qui la gouvernent sont prévues par les articles 307 à 318 du code de procédure pénale.

« Elle ne peut devenir définitive qu’à la fin du délai de prescription de la peine qui est de 5 ans pour les délits (comme c’est le cas de la condamnation de Ousmane Sonko dans l’affaire Sweet Beauté), 20 ans pour les crimes. Donc, concrètement parlant, d’ici 5 ans, si la condamnation n’est pas exécutée, c’est à partir de ce moment qu’elle devient définitive », signale-t-il.

Ce qu’il faut retenir, d’après le spécialiste, c’est que d’après les articles 307 et 316 du Code de procédure pénale, quand la personne est condamnée par contumace, il y a deux possibilités pour purger la contumace. La première c’est l’arrestation de la personne condamnée par contumace. La deuxième possibilité, c’est le fait qu’il se rende à la juridiction qui l’a condamné pour se constituer prisonnier. En l’espèce, « nous sommes dans le cadre de la première hypothèse, c’est-à-dire l’arrestation », souligne M. Fall.

Il ajoute : « Malgré les propos du procureur qui estime qu’il a été arrêté pour autre chose, cela importe peu. Certes il n’y a pas de lien entre l’affaire Adji Sarr et ce dossier d’appel à l’insurrection, mais ceci étant, dès que Sonko est arrêté il y a purge de la contumace. Dans notre jargon on dit qu’il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas ».

Temporalité des affaires

Mieux, poursuit le professeur de droit pénal à la retraite, on ne peut pas juger un dossier sans au préalable vider celui qui lui est antérieur. « Prior in tempore, prior in jure (premier dans le temps, premier e droit) », soutient d’ailleurs la règle de droit.

« Normalement, si on regarde du côté de la temporalité, après l’arrestation de Sonko, il faudrait d’abord purger cette contumace avant de s’intéresser aux autres incriminations égrainées par le procureur. C’est-à-dire que M. Sonko doit d’abord être rejugé dans l’affaire Adji Sarr avant tout autre affaire », explique-t-il.

A signaler que sur le dossier Adji Sarr, le Pr. Fall estime que le délit de corruption de la jeunesse retenu contre Ousmane Sonko (article 324) est « désuet » et le juge devra en tenir compte. 

« Ce délit revêt un caractère obsolète. Dans les dispositions de l’article 324 on parle de mineur âgé de 21 ans. Or, la majorité, qu’elle soit pénale ou civile, n'est pas de 21 ans mais de 18 ans. Donc dès l’instant que la majorité pénale a changé, le fait de considérer qu’est mineur celui qui 21 ans devient désuet », analyse-t-il.

Donc, conclut le professeur Fall, « le moment venu, normalement, le juge devrait écarter cette fameuse incrimination ».

Ousmane Sonko reste électeur et éligible 

Les militants du Pastef qui craignent une inéligibilité de leur leader peuvent garder un brin de sérénité. Du moins d’après le Pr. Ndiack Fall. A l’en croire, « pour le moment, cette arrestation n’a aucun impact sur la candidature de Ousmane Sonko ». 

Il s’explique : « Tant que Sonko n’est pas condamné définitivement, il reste bel et bien candidat. Qu’il s'agisse de l’affaire Mame Mbaye Niang ou Adji Sarr, il n’y a pas de condamnation définitive. L’affaire Adji Sarr est désormais anéantie par l’arrestation de Sonko, il faudra rejuger. Pour le dossier d’appel à l’insurrection, l’affaire vient à peine de débuter. ».

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