Depuis au moins mars 2021, l’espace politique sénégalais a été ponctué par une bipolarisation qui ne dit pas son nom à cause de l’affaire dite du viol présumé impliquant Ousmane Sonko et Adji Sarr. Un différend privé qui se transpose en un règlement de compte entre la coalition Benno Bokk Yaakaar de Macky Sall et Yewwi Askan Wi dont le porte étendard est le leader du Pastef. Mais la toute dernière sortie au vitriol de Idrissa Seck cristallise encore des débats sur les véritables raisons surtout qu’à la veille, le patron du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) a pu rencontrer le chef de l’Opposition à bord d’une moto à la Cité Keur Gorgui où il réside.
Les commentaires avaient fusé de partout après le vrai-faux suspense que Idrissa Seck avait suscité pour avoir annulé, in extrémis, sa première conférence de presse.
Dès lors, journalistes, politiques de tout bord, observateurs, société civile, citoyens sénégalais tout simplement, bref tous les segments de la société étaient suspendus à la reprogrammation de la rencontre avec la presse nationale et internationale. Un rendez-vous qui s’annonçait explosif et place, du coup, Idrissa Seck au centre des débats dans l’espace politique.
Jusque-là, les véritables raisons de l’annulation de la première conférence de presse n’ont pas été dévoilées. Du moins, au grand public. Dans la presse en ligne, on se contente seulement d’une petite phrase. "La conférence de presse de Idrissa Seck ce vendredi a été annulé".
Motif réel d’annulation ou simple stratégie politique; le moins que l’on puisse dire, c’est que ce qui s’avère une véritable entreprise de casse de la bipolarisation de l’espace politique marquée par la guéguerre entre Ousmane Sonko et Macky Sall commençait par là. L’homme réussit, ipso facto, à faire braquer les radars sur lui en un temps record.
Friands d’informations, les professionnels des médias posent le débat avec acuité dans les émissions en prime time. Les spécialistes du people en font un « cas ». Et de file en aiguille cet allié de Macky Sall passe pour la vedette de l’espace politique.
Il aura fallu attendre la conférence de presse de ce 14 avril pour en avoir le cœur net à la fois sur la démarche et le contenu du discours du patron du CESE. Dans une de nos chroniques, l’on résumait la quintessence du speech d’un près de trois heures de temps en trois axes.
Toute chose qui s’expliquerait par la ruse de l’homme. Lui-même a avoué ses qualités de « renard » en politique, lorsque, pour faire la différence avec Ousmane Sonko en mettant à nu les « erreurs » de ce dernier lors de ses récentes convocations par la justice, il martèle.
"Vous savez comment je faisais au temps ? Moi, je suis un lièvre (entendez renard). Je m’entourais de gens qui s’agitent autour de moi en scandant Idy est un guerrier. Dès que j’arrive à la première barrière des policiers, je fais semblant en disant nonnnnn, il n’a pas le droit; je vais passer pour manifester etc. Mais dès que je franchis cette étape et que la BIP ,que je reconnais d’ailleurs débarque avec leurs outils, je les regarde en lançant : chef qu’est-ce que tu dis ? ensuite je rétorque : ce n’est pas normal han puis je coopère".
Idrissa Seck n’aurait pas tout à faire tort en s’estimant rusé. Ce manitou de l’espace politique sénégalais qui était parti rencontrer Ousmane Sonko après « avoir averti » Macky Sall, fait toujours parler de lui une semaine après cet épisode.
Reléguant au second plan les deux hommes de la situation et ouvrant avec maestria une troisième voie. La stratégie semble d’autant plus réussie que du coté de l’Opposition comme du pouvoir, on s’émeut sur les plateaux de télévision.
Mieux, le débat est loin de connaitre son épilogue. Si des voix se sont levées du coté de Yewwi Askan Wi et de Pastef pour attirer l’attention du leader sur les intentions de son « nouvel ami », du coté de la coalition Benno Bokk Yaakaar on s’emballe en demandant au patron de la coalition d’en découdre avec Idy.
Le secrétariat exécutif permanent (SEP) est d’ailleurs monté au front à la suite des sentiments d’amertume exprimés ça et là. L’on susurre même que le compagnonnage entre Macky Sall et le patron du CESE pourrait connaitre une fin sous peu.
Mais à qui profiterait cette éventuelle séparation en vue de la prochaine élection présidentielle du 25 février 2024 ?
Idrissa Seck qui a vécu sous la coupole du patron de Bby pendant 2 ans et 5 mois à la tête du CESE et qui du reste, adopte du moins pour l’heure, une position équivoque vis-à-vis du pouvoir et de l’Opposition n’a-t-il pas d’autres « armes » à faire prévaloir si toutefois Macky Sall prenait une décision mal réfléchie ? Je donne ma langue au chat.
Birama Thior, Journaliste