Ce jour, le Premier ministre sera écouté. Il sera observé. Il sera aussi provoqué. C’est cela l’exercice de la Déclaration de la politique générale. À Amadou Ba d’avoir les mots qu’il faut pour répondre aux maux qui l’attendent. C’est le texte qu’il va lire. Mais c’est surtout le contexte de veille de Présidentielle et de succession ambiante qu’il va subir.
La Déclaration de politique générale (Dpg) est, en principe, un grand oral pour un nouveau Premier ministre, non pas, comme on l’entend, de déclarer « sa » politique, mais de dire comment il entend exécuter la politique du chef de l’Etat. Parce qu’en définitive, il est celui qui détermine la politique de la Nation.
Amadou va donc, ce lundi 12 décembre 2022, s’adresser aux députés et dérouler les grandes lignes de ce qui lui a été assigné par le président de la République. Mais, une chose est de faire cette déclaration, une autre est de la faire accepter, de la rendre intelligible, de la faire adhérer au public. C’est là qu’intervient la communication. Ici, la forme peut-être plus importante que le fond.
Bien des Premiers ministres ont vu leur carrière politique prendre une nouvelle tournure, en bon ou en mauvais, après leur passage au test. Entre les belles formules et les annonces, il y en a souvent eu, et qui ont marqué les esprits.
Tout est également dans le porteur du message. Et dans son rendu. Idrissa Seck a su hypnotiser et impressionner son monde par ses mots clés populaires et son éloquence, puisant son inspiration de la série populaire de Moussa Sène Abs, T.T. Fons…
Ces réalisateurs et producteurs, disait Seck, dans sa Dpg du 3 février 2003, nous ont inculqué deux compatriotes que tous les Sénégalais connaissent et pour lesquels ils ont une grande sympathie , parce qu’en vérité, ils se reconnaissent en eux : l’un s’appelle Goorgoorlu, l’autre Ndioublang, le droit et la vertu ». L’on a attendu un Sénégal paradisiaque pour la suite.
Mais justement, selon plusieurs confidences, c’est de là que seraient partis ses premiers accrocs avec Abdoulaye Wade, qu’il voyait plus comme un « père » que comme le président de la République.
Car, il se dit qu’en ce moment-là, Wade s’est senti inexistant dans cette Dpg, estimant que Seck avait, dans son style, fait croire qu’il déroulait sa propre politique. Pour le reste, les autres, Macky Sall, Hadjibou Soumaré ou encore Souleymane Ndéné Ndiaye, la leçon était sue. Plus du présidentiel dans le dosage que du Pm. Mais, sans doute aussi, c’est parce que Me Wade n’a jamais senti de menace sur son fauteuil de la part des successeurs de Idrissa Seck. Et c’est là l’un des défis qui attendent Amadou Ba.
Vaincre les adversaires, convaincre le chef
Les erreurs politiques se paient cash. Et Amadou Ba se sait suivi et épié. C’est le sens de son silence. « discrétion » pour d’autres. Il sera provoqué, attaqué, et peut-être même hué. Toute la différence entre les « bons » politiciens réside dans leur capacité à encaisser les coups et à distribuer des réparties. On ne peut lui dénier cette carapace sans laquelle il ne serait sans doute pas là où il est aujourd’hui, après cette parenthèse hors du gouvernement.
Loin du pouvoir tout simplement. Au point que même les plus avertis avaient oublié de la leçon du relativisme : « On n’est jamais mort en politique ! »
Même s’il est vrai que le responsable de l’Apr aux Parcelles assainies doit remercier les circonstances politiques de mars 2021 qui ont fait de lui, comme d’autres « victimes » du 1er novembre 2020, des aimants qui attirent Macky Sall sur eux.
Ce lundi, donc, Ba doit vaincre les adversaires. Convaincre les sceptiques. Et surtout celui qui l’a choisi, le chef de l’Etat, comme l’homme qu’il faut à cette place-là très convoitée.
De cela pourrait dépendre aussi le choix éventuel du même Macky Sall sur celui qui pourrait être son candidat en 2024. S’il ne l’est pas. Voilà pourquoi le contexte, le texte qu’il va lire aussi, sont sensibles pour l’ancien ministre de l’Economie, des finances et du plan.
« Contentieux » avec Khalifa Sall et Sonko
Pourquoi devrait-il d’ailleurs échapper à l’opposition, surtout celle-là qui tient tête à la majorité présidentielle, encore fragile et relative ?
Quand d’autres Pm ont eu du fil à retordre en dépit d’une majorité écrasante et mécanique, Amadou Ba ne peut être en reste. Et dans cette 14 législature, il ne manque pas d’objecteurs.
Même si Khalifa Sall n’est pas là, les élus de Taxawu Senegaal peuvent bien lui rappeler le blocage de l’emprunt obligataire de la Ville de Dakar, que Barthélémy Dias continue de réclamer.
Même si Ousmane Sonko n’est pas député, Birame Soulèye Diop et Cie pourraient aussi lui remémorer l’affaire des 94 milliards et la radiation de leur leader.
Et encore, les consignes ne manqueront pas pour ceux qui croient qu’en dépit des velléités de troisième candidature de Macky Sall, Ba pourrait être un autre plan (B, C…). Ce n’est pas pour rien qu’il est le fusible que personne- ou presque- ne voit bizarrement.
Il se plait dans ce dessin. Et c’est peut-être le schéma aussi. Ah, la politique et ses tics !