De Sacré-Cœur au palais de justice de Dakar, en passant par autres grandes artères et axes stratégiques de la capitale, c’est sous le parapluie d’un impressionnant dispositif sécuritaire que s’est déroulée, hier, la journée d’audition du leader de Pastef. Mis pour faire régner l’ordre, ce bouclier a, cependant, semé une véritable cacophonie chez milliers d’individus, finalement freinés dans leurs occupations.
À l’aube… Au détour d’une ruelle escarpée, Moussa Seck vient de s’enfoncer au cœur de la cité Keur Gorgui, plongée dans un calme plat. Les mains nues, moulé dans un t-shirt épousant sa musculature, dans une marche hâtive, c’est aux abords d’une barrière qu’il voit sa progression freinée par des policiers en faction dans les parages du domicile de Sonko. Les justifications servies aux limiers ne l’ont finalement pas tiré d’affaires.
« J’ai sillonné partout dans le secteur pour accéder aux locaux de notre service. Et à chaque barrage, on me refuse l’accès pensant que je suis un militant venu soutenir Sonko. Je risque d’être en retard. Ils n’essayent même pas de m’écouter. Ces histoires de politique dans ce Sénégal, c’est du n’importe quoi », lâche-t-il en rebroussant chemin.
À l’instar de cet employé d’agence immobilière, des riverains du leader de Pastef ont fait les frais de l’hyper mobilisation policière. Servante dans une maison aux alentours, Astou Diop, âgée d’une vingtaine d’années, est dans ce lot de victimes collatérales. Ravagée par la trouille au vu des éléments lourdement armés, c’est dans une démarche tremblotante qu’elle se déplace. Elle soutient qu’elle a pris sur elle-même pour se rendre à la boutique.
« C’est juste que je suis obligée de sortir lorsque c’est ma patronne qui m’en charge. Je le fais malgré moi. Tellement que j’ai peur de ces armes, mon cœur risque de lâcher. C’est pourquoi je prie chaque fois à ce que cette histoire de Adji Sarr s’arrête une bonne fois pour toutes », murmure la jeune fille d’une voix saccadée.
Au tribunal, d’autres victimes du dispositif
En quittant la banlieue très tôt le matin, Sokhna Thiam ne s’attendait pas à se heurter à un vide administratif, une fois au palais de justice de Dakar. En quête d’un permis de visite détenu, elle est sûre de rentrer bredouille sans même franchir le portail du bureau préposé. Le dispositif corsé mis en place dans le cadre l’audition de l’opposant est passé par là.
« Finalement, de Pikine au centre-ville, j’ai fait tout ce trajet en vain. Ils pouvaient au moins nous avertir sur le fait qu’aujourd’hui les autres bureaux ne seront pas ouverts. Mais non ! C’est en arrivant de l’autre côté de la route, qu’un des policiers m’a sommée de retourner sur mes pas. Maintenant, j’attends de trouver de quoi manger pour rentrer chez moi », s’apitoie la mère de famille, à l’extérieur du périmètre quadrillé par les forces de l’ordre.
Barth’ aux policiers : « Vous ne pouvez pas me bloquer »
Ça a bougé à la Cité Keur Gorgui, chez le leader de Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko. Après son accusatrice, la masseuse Adji Sarr, et la patronne du Sweet Beauty, Ndèye Khady Ndiaye, c’est autour de l’opposant de déférer, hier, à la convocation du Doyen des juges d’instruction, Oumar Maham Diallο.
Ousmane Sonko avait le soutien de nombreux responsables de Yewwi Askan wi qui étaient chez lui ou voulaient s’y rendre. Parmi eux, le maire de Dakar, Barthélémy Dias. L’édile de la ville de Dakar s’est rendu dans la matinée chez l’opposant où la rue était cependant bloquée par les forces de défense et de sécurité.
« Vous pouvez bloquer la presse. Vous pouvez bloquer mes gardes (du corps) mais vous ne pouvez pas me bloquer. Vous parlez au maire de Dakar. Je suis votre patron, moi, avant même le ministre de l’Intérieur », a dit le député-maire élu sous la bannière de Yewwi Askan Wi (Yaw). Barthélémy Dias est finalement passé.
La presse interdite de s’approcher du domicile de Sonko
Contrairement aux événements de mars 2021, les journalistes et techniciens de médias se sont vus, cette fois-ci, interdits d’accès au domicile de Sonko.
Déployés dans tout le quartier Sacré-Cœur, les éléments de la Police, qui prétendaient avoir reçu l’ordre de leur hiérarchie, aux environs de 9 heures, se sont évertués, toute la matinée, à stopper les professionnels de l’information en direction de la maison du leader du Pastef.
Une restriction qui, d’ailleurs, ne tardera pas à faire l’objet d’empoignades entre journalistes et éléments du groupement mobile d’intervention (Gmi). Il aura fallu plus tard, dans la foulée de ces frictions, l’intervention d’un gradé de la troupe pour calmer les ardeurs. Sans toutefois faire revenir à la raison les limiers quant à la liberté de mouvement dont jouissent les journalistes dans l’exercice de leur profession.