Cohabitation : de l’impossibilité à la probabilité ! Par Ngouda Mboup

 

C’est devenu une probabilité ! En se référant aux données de l’histoire politique du Sénégal, les résultats avaient toujours indiqué que la probabilité d’une cohabitation était inférieure dans la tête des sénégalais, en raison notamment du contexte politique, du fait de sa situation particulière, surtout entre une majorité fortement implantée dans les zones rurales et une opposition assez représentée dans les zones urbaines.

Aujourd’hui, le changement de contexte, le rééquilibrage des forces politiques en présence, la grande percée de l’opposition aux élections locales du 23 janvier 2022, l’alliance stratégique de l’inter-coalition Wallu Sénégal-Yewwi Askan Wi (qui se projette sur 112 députés d’après la déclaration du mandataire de la coalition Yewwi Askan Wi), la naissance de la coalition AAR Sénégal, l’émergence d’un leader charismatique qu’est Ousmane SONKO drainant des foules immenses, l’enjeu anticipé de l’élection présidentielle de février 2024, le contexte économique très difficile, l’augmentation généralisée des prix des denrées de consommation, le chômage endémique des jeunes, la mal gouvernance, la culture de l’impunité, la confiscation des libertés, la machine électorale que constitue Yewwi Askan Wi, le changement de mentalité de l’électeur sénégalais, le sens donné désormais au vote, permettent d’intégrer sérieusement une probable cohabitation. En réalités, ces différents éléments sont en train de se combiner pour rendre une probabilité plus ou moins possible.

Par ailleurs, la ferveur autour d’Ousmane SONKO et les fortes mobilisations en faveur de l’opposition dans des bastions jusque la considérées comme la chasse gardée de la majorité présidentielle ne démentent pas l’importance du resserrement des écarts qui étaient observés jusqu’en 2019 dans ces différentes zones.

L’argumentaire qui repose sur l’impossibilité d’une cohabitation au regard du fonctionnement du régime politique sénégalais n’est pas fondé. En vérité, la cohabitation et beaucoup plus une donnée de science politique que de droit constitutionnel, même si c’est l’Etat de droit qui contrôle la démocratie et non l’inverse. Au surplus, le régime sénégalais n’est pas un régime présidentiel comme aiment le confondre beaucoup de gens. Le régime sénégalais s’oriente beaucoup plus vers un régime parlementaire (dualiste) rationalisé.

A l’occasion des élections législatives, les présidents de la République ont toujours eu plus qu’une majorité parlementaire mais une « majorité personnelle » dans la mesure où les députés se croient être élus sur son nom et nom celui du premier Ministre où de la tête de liste ayant conduit à la victoire. Cette lecture est celle d’un Président qui tire le régime vers une hyper-présidentialisation, dont le rôle actif est soutenu par une majorité de députés favorables à sa personne et à son programme politique.

Les élections législatives du 31 juillet 2022 vont déterminer le rôle que va jouer le Président de la Républiques pour le reste de son second et dernier mandat. En cas de cohabitation, le Président sera obligé de laisser l’opposition gouverner en confiance harmonieuse entre l’Assemblée Nationale et le Gouvernement.

Mouhamadou Ngouda MBOUP

 Enseignant-chercheur de droit public FSJP/UCAD Consultant principal au cabinet Avis d’Experts (AVEX)

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