Si Yewwi askan wi a annulé son rassemblement d’hier, c’est grâce à la médiation de Babacar Ngom, Alioune Tine et d’autres. Qui ont rencontré une haute autorité religieuse dont le message a pesé sur la balance. Mais ils se sont également entretenus avec le ministre de l’Intérieur et les leaders de Yewwi.
Le climat était tendu. L’atmosphère irrespirable. Il suffisait d’une étincelle pour allumer le feu. Et l’on ne sait jamais sa capacité de propagation. Voilà pourquoi il fallait sauver le pays de cette crise redoutée, avec le spectre de mars 2021 qui continue de planer. C’est cela, comme l’avait écrit Bés bi dans son édition du mercredi, qui soulignait un vent de dégel entre le pouvoir et l’opposition.
Et si Yewwi Askan wi a vite fait, par la voix de Ousmane Sonko, de calmer le jeu en assurant à ses hommes qu’il n’y a rien à craindre, c’est qu’il y a eu de bonnes volontés, soucieuses de préserver la paix qui ont pris leur bâton de pèlerin.
Parmi eux, il y a Babacar Ngom et Alioune Tine. Ils n’ont ménagé aucun effort pour que le 29 juin ne soit pas ce que tout le monde, ou presque, craignait. Aucune option n’a été négligée pour convaincre, ou dissuader, les deux parties, mais surtout Ousmane Sonko et Cie. Les médiateurs se sont entourés de toute la discrétion requise pour ne rien laisser suinter de leurs démarches, leurs contacts, leurs résultats. Et c’est sans surprise, puisque les deux ont déjà le profil pour cette tâche si délicate, si sensible.
Qui donc serait mieux placé que le patron de Sedima pour « couver », comme ses poussins, des politiques agités, pour faire éclore la paix ? Qui donc serait plus outillé que l’icône de la société civile sénégalaise, Alioune Tine, qui a souvent joué un rôle déterminant au Sénégal et en Afrique entre des oppositions et des régimes au pouvoir ?
C’est ainsi que Ngom, Tine et d’autres ont fait valoir leur réputation, leur poids, leurs carnets d’adresses, pour baisser la tension. Ils ont été ces derniers jours entre plusieurs zones. De sources concordantes, ils ont été reçus nuitamment, lundi, loin des yeux et des oreilles des plus proches par une haute autorité religieuse. L’on ignore le contenu des échanges, mais ce qui est clair, c’est qu’ils ont eu la bénédiction du chef religieux. Et à la limite, c’était un message à transmettre aux leaders de l’opposition et aux autorités étatiques.
Rencontres avec le ministre de l’Intérieur, puis avec Yewwi
L’influence des religieux ne serait pas surprenante d’autant plus que lors des événements de mars 2021, ils avaient joué un rôle éminent pour mettre fin aux violentes manifestations qui avaient causé la mort de 14 personnes. A l’époque, le khalife général des mourides s’était particulièrement distingué par son sens de la paix. Et à chaque réunion du Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D), qui défendait Ousmane Sonko, Serigne Mountakha a envoyé des émissaires pour porter son message. C’est dans la même veine que les médiateurs ont rencontré le ministre de l’Intérieur, Antoine Diome. Il était sans doute plus difficile pour l’Etat, de reculer après avoir mis en avant l’article L. 61 pour interdire la manifestation du 17 juin. Et les arguments de « risques réels » ou « graves » de troubles à l’ordre public auraient été pris en compte.
Après Place Washington, Babacar Ngom, Alioune Tine et Cie ont rencontré Yewwi Askan wi peu avant sa conférence de presse pour officialiser le report de la manifestation prévue à 15h. Mais il se dit que l’accord de principe était acquis. Cette médiation concluante de MM. Ngom et Tine, qui a abouti au report de la manifestation de Yewwi et à son acceptation d’aller aux Législatives avec leur liste de suppléants, pourrait aller plus loin.
En effet, les médiateurs n’excluent pas de rencontrer le chef de l’Etat lui-même pour consolider ce climat pacifique retrouvé, mais aussi pour obtenir, peut-être, des concessions que l’opposition pourraient poser sur la table des négociations.