Dans quel Etat sommes-nous ? Par Commissaire Sadio

 

Le 04 Avril courant, notre pays, le Sénégal, a célébré, certes, dans la sobriété et la simplicité, mais aussi dans la solennité et avec un sentiment de fierté légitime, le 62ème anniversaire de notre accession à la souveraineté internationale ; je préfère largement ce terme à celui d’indépendance qui ne correspond guère, à plusieurs égards, à la réalité que nous vivons.


A l’occasion de cette commémoration, nos forces de défense et de sécurité, comme à l’accoutumée, nous ont gratifiés d’un défilé impeccable et ont offert aux populations une parade de haute facture. En effet, ce jour-là, la tête haute, le regard fixe, le torse bombé, les armes bien et fermement tenues, les balancements des bras harmonisés, à pas cadencés, dans des colonnes droites et en rangs serrés et rectilignes, dans des tenues d’apparat arborées pour la circonstance et la solennité du moment, les militaires et paramilitaires ont arpenté la chaussée en martelant de leurs pas fermes, appuyés et vigoureux l’asphalte qui a ainsi subi la lourde charge de leurs passages. Toute la nation a été honorée, le peuple a vu sa fierté galvanisée et ragaillardie, sa dignité rehaussée et raffermie et son honneur porté au pinacle. Les Sénégalais leur savent énormément gré de cette belle prestation admirée et appréciée par toute la classe politique, toutes obédiences confondues ; et ceci, pour tout simplement dire que le devoir de chaque citoyen est de soutenir et d’encourager les membres des forces de sécurité plutôt que de s’employer à jeter l’anathème sur eux de manière inconsidérée. Il faut faire en sorte que le cordon ombilical qui lie le peuple aux forces de défense et de sécurité ne soit pas coupé ; leurs membres sont des fils et filles de ce pays, ils sont tous, sans exception, issus du peuple et retourneront au sein du peuple. Les forces de sécurité n’appartiennent à aucun régime, encore moins à un parti ou coalition de partis ; elles sont le bien commun du peuple, elles appartiennent à la nation toute entière, aussi sont-elles nationales.

Le Président Macky SALL ne disait-il pas « L’armée doit, en toutes circonstances, avoir une attitude républicaine. Elle doit et a l’obligation de toujours se mettre du bon côté, celui du peuple ». Les forces de défense doivent, surtout et par-dessus tout, demeurer républicaines ; elles n’ont prêté un serment d’allégeance ni à un parti, ni à une coalition de partis, ni à une religion, encore à un individu, fut-il le Président de la République. Les forces de défense et de sécurité, elles le savent et en sont conscientes, n’ont prêté un serment d’allégeance qu’à la seule et unique CONSTITUTION de notre république que personne, personne, je dis bien personne, ne doit ni ne doit pouvoir violer. Défendre, protéger et veiller au respect strict de la constitution est la première mission régalienne des forces de défense et de sécurité.

C’est l’occasion de féliciter les forces de défense et de sécurité, avec à leurs têtes, le Chef d’état-major des armée, le Haut Commandant de la gendarmerie nationale et le Directeur générale de la police nationale pour l’excellent travail qu’elles font quotidiennement sur le terrain, notamment en matière de sécurité publique. Des félicitations particulières et appuyées à notre armée nationale pour la très difficile et pénible mission qu’elle accomplit dans la région sud ou elle a entrepris une vaste opération de démantèlement des bases rebelles de Salif SADIO et de César Atoute qui, en réalité n’étaient que l’incarnation d’un irrédentisme résiduel. L’armée nationale intervient en zone sud conformément à sa mission régalienne de défendre la nation de tout péril extérieur, de préserver par tous moyens l’intégrité du territoire et d’assurer et de garantir la paix sociale. La revendication d’indépendance dont s’étaient toujours prévalus les rebelles a connu ces dernières années une véritable mutation du point de vue stratégique. Devant les coups durs infligés par nos soldats et la libération progressive d’espaces jadis sous leur contrôle, une translation s’est opérée dans les objectifs des prétendus rebelles qui, pour survivre, se s’ont investis dans l’économie souterraine en s’adonnant à la culture et au trafic de chanvre indien, à la coupe illégale et au trafic de bois et au vol de bétail, ruinant ainsi, de manière dangereuse, l’économie rurale de leurs zones d’occupation.
A dire vrai, la rébellion en Casamance aurait pu prendre fin depuis des années si on avait laissé l’armée s’en charger ; seulement, il y a eu l’intervention et l’interférence intéressées de plusieurs organisations et associations dans le règlement de ce conflit. Certaines de ces structures, de même que certaines personnalités politiques qui se donnaient le titre pompeux et ronflant de « Monsieur Casamance » ne s’activaient que pour leurs comptes personnels, jouant à la fois aux pyromanes et aux sapeurs-pompiers. La crise casamançaise a créé des situations de rentes pour beaucoup d’intervenants, des politiciens pour la plupart, qui n’avaient aucune prise réelle sur la crise encore moins sur les rebelles ; elle a permis à beaucoup de gens de s’enrichir illicitement en usant de la peur, de la menace et du chantage comme moyens de pression..

Restant avec les hommes de tenue, je voudrais évoquer le cas du jeune et brillant ex-capitaine Seydina Oumar Touré dont la compétence, le sérieux et la discipline n’ont jamais été sujets à caution ; ses pairs et ses supérieurs ont unanimement témoigné positivement en sa faveur et n’ont pas tari d’éloges à son endroit. Malheureusement, n’étant pas infaillible comme tout être humain, la perfection étant un attribut divin, il a eu un écart de comportement qui jure d’avec son serment, son statut et les règles déontologiques qui régissent son métier et encadrent ses fonctions. Pour cela il a été radié de la Gendarmerie nationale par décret présidentiel. Quant à la lourdeur de la sanction, elle a été diversement interprétée. Il me semble que le capitaine Touré était confronté à ce qu’on appelle communément un cas de conscience ; il avait à choisir entre les impératifs du devoir, les obligations professionnelles et le diktat de sa conscience. Seulement dans les forces de défense et de sécurité l’expression des états d’âme n’est point tolérée ; cela ne veut point dire qu’il faille agir sans tenir compte de l’ordre de la loi et du commandement de l’autorité légitime ainsi que de certains principes axiologiques tels que l’éthique et la morale. Son humanisme a pris le dessus sur toute considération ; l’a-t-il exprimé de la meilleure manière ? L’a-t-il manifesté comme il le fallait ? Toujours est-il qu’il voulait être en paix avec sa conscience ; il n’y a pas pire prison qu’une conscience perturbée.

Courageux, déterminé, animé d’une réelle volonté de refaire et de réussir sa vie et armé d’une foi inébranlable, le capitaine Touré a repris ses études couronnées par un diplôme. C’est muni de ce parchemin délivré par l’université Cheikh Anta Diop de Dakar qu’il a pu obtenir un poste d’enseignant à l’Institut africain de management (IAM). A peine entamé, son cycle d’enseignement a été brutalement interrompu par la rupture unilatérale de son contrat. En effet, c’était sans compter avec la méchanceté humaine, notamment celle de nos gouvernants qui, dans leur traque permanente des esprits intelligents, l’ont poursuivi jusqu’à son nouvel établissement ou il dispensait des cours à de jeunes compatriotes qui, dès le premier contact, lui ont manifesté leur admiration.

 L’IAM a été soumis à une rude et insoutenable pression qui l’a contraint à résilier le contrat de monsieur Touré ; ce dernier, ayant compris les enjeux et la délicatesse de la situation pour l’établissement, a, de bonne grâce, accepté son nouveau sort.

Nul n’ignore que c’est l’Etat qui est à la base de cette fâcheuse situation. Les autorités publiques sont responsables des malheurs et des misères du capitaine Touré qui fait l’objet d’un acharnement, d’un harcèlement et d’une persécution manifestement guidés par une réelle volonté de nuire à un citoyen qui a déjà payé pour ce qu’on lui reproche. Après tout, il fut un brillant officier qui a servi avec abnégation dans le grand et prestigieux corps de la Gendarmerie nationale ; il a effectué, au péril de sa vie, des missions très délicates pour le compte de l’Etat, de la République et de la Nation. On doit éviter de l’humilier ; une humiliation qui pourrait négativement rejaillir sur le corps d’élite qu’est notre gendarmerie nationale dont on doit préserver la dignité quels que puissent étire par ailleurs les manquements inhérents à la difficulté et à la complexité des missions de terrains.

Nos gouvernants semblent oublier, le cas échéant, il faudrait le leur rappeler, que c’est ALLAH Le Tout-Puissant qui Est Le Maitre de l’univers et du destin des êtres fragiles, ignorants et insignifiants que nous sommes. C’est dommage qu’ils ne puissent pas ou qu’ils ne veuillent pas retenir les leçons du passé En 1987, j’ai été radié de la police pour une raison que, jusqu’à présent, j’ignore ; six ans après, j’ai été réintégré pour, plus tard, assumer les fonctions de directeur général adjoint, de facto. Condamné et emprisonné dans le seul but de l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2019, Khalifa Sall est aujourd’hui le maire honoraire de la ville de DAKAR, président de la conférence des leaders de la plus grande coalition de l’opposition et un des leaders les plus en vue dans le landerneau politique. Ousmane Sonko a été radié de la fonction publique pour se retrouver, par la grâce de Dieu, député à l’assemblée nationale avec un salaire conséquent, un véhicule de luxe, des tickets de carburants octroyés par l’Etat ; qui plus est, il jouit d’une liberté de parole et de ton que son statut de fonctionnaire ne lui aurait jamais permis d’avoir. Tout ceci pour dire, avec certitude, que tôt ou tard le capitaine Touré, à qui je manifeste mon soutien et ma solidarité, sera tôt ou tard réhabilité. L’Etat du Sénégal présente un visage pas du tout reluisant qui semble correspondre à la définition de Paul VALERY qui disait que « L’Etat est un être énorme, terrible, débile, cyclope, d’une puissance et d’une maladresse insignes ; »

Un autre grand, valeureux et digne fils du Sénégal est présentement en prison pour avoir, parait-il, diffamé un certain Gabriel Varan. Un énergumène qui, en sa qualité de député et de représentant de notre pays, aurait donné, à l’instar d’un baudet, c’est-à-dire un âne, un coup de sabot à une dame au cours d’une rencontre internationale tenue quelque part en Afrique australe. Ce gus a eu l’outrecuidance, l’indécence et l’impudeur de déclarer publiquement que, si l’occasion lui était donnée, il déshabillerait le professeur et lui ferait ce qu’un homme fait à une femme. Ne jouons pas aux hypocrites en demandant d’édulcorer nos propos pour être dans le socialement correct ; les propos de ce député qui se complairait bien dans la dépravation, semblent donner des indications qui instillent le doute sur ses orientations libidinale et sexuelle. Depuis quand un dossier en diffamation a –t-il fait l’objet d’une instruction ? Il n’y a pas plus facile à traiter que ce dossier d’une extraordinaire simplicité. La détention du professeur obéit à une manœuvre d’intimidation pour étouffer les voix discordantes et divergentes.

Certes il faut y voir la main des puissants lobbies LGBT, mais il faut reconnaitre aussi et oser le dire, le professeur dérangeait dans la sphère politico-religieuse en menant une campagne agressive pour combattre l’obscurantisme spirituelle, l’aliénation et la soumission politique, la précarisation économique et une paupérisation endémique volontairement entretenue qui maintient les populations dans la dépendance chronique. Le professeur Cheikh Oumar s’investit beaucoup pour l’éveil des consciences et la révolution des mentalités, pour l’épanouissement plein et intégral des populations dans tous les domaines. Le professeur Cheikh Oumar Diagne est une valeur sure qui n’a pas sa place en prison, aussi me plait-il de lui exprimer mon soutien et de lui manifester ma solidarité dans cette épreuve que certains parmi nous pourraient considérer comme dure et pénible mais que lui, j’en suis persuadé, a accueille comme une source de motivation supplémentaire inspirée par ALLAH Le Seul Détenteur de pouvoir pour raffermir sa foi et réaffirmer son engagement.

La grande actualité concerne l’affaire du prétendu viol qui oppose le leader du Pastef Ousmane Sonko à la demoiselle Adji Raby Sarr. Pendant longtemps, par déformation professionnelle, j’ai adopté une certaine réserve dans cette affaire qui a vu chaque Sénégalais s’improviser et s’ériger en enquêteur, en procureur, en juge d’instruction et en juge du siège alors même que le principal intéressé n’a pas encore été entendu dans le fonds. Certains ont poussé l’audace au point de prononcer le verdict de manière péremptoire. Ce que je puis dire en tant qu’ancien enquêteur qui a blanchi sous le harnais, c’est que l’enquête me parait avoir été bâclée, elle n’a pas été exhaustive ni menée avec la sérénité requise ; des actes majeur de procédure n’ont pas été effectués, la téléphonie n’a pas été exploitée alors qu’elle aurait permis de cerner les différents acteurs ; il n’y a pas eu un transport sur les lieux et la scène de crime n’a pas été figée alors qu’il s’agit d’un crime supposé . Et puis, que faisons-nous des conclusions de nos experts formés à bonne école ; je fais allusion au certificat médical établi par un homme de l’art assermenté. Tout récemment des informations corroborées par des clichés font état de transformations effectuées sur la scène de crime, apportant des altérations sur la typographie des lieux et privant ainsi les enquêteurs d’éléments physiques nécessaires pour une éventuelle reconstitution des faits qui leur aurait certainement permis d’apprécier la possibilité ou non de la commission de certains actes. Dans l’analyse de cette affaire tout ne relève pas du droit ni des différentes techniques d’enquête et d’investigation, il y a tout simplement lieu de convoquer le bon sens, dont Blaise Pascal disait que c’est la chose la mieux partagée, pour comprendre certains faits ou relever certaines contradictions dans les déclarations des uns et des autres.

Tout semble indiquer qu’il y a eu une intervention intempestive et précipitée du procureur de la république, directeur de la police judiciaire et maitre des poursuites. Si on avait laissé les fins limiers de la section de recherches poursuivre l’enquête, ils établiraient facilement la vérité des faits et détermineraient la responsabilité individuelle ainsi que le niveau de participation de toute personne impliquée. A mon humble avis, au regard de mon expérience, de mes constats et de mon analyse, et refusant de me laisser subjugué par les flots et les flux d’informations distillés à travers les différents canaux d’information, notamment les réseaux sociaux, cette affaire de prétendu viol me semble relever d’un rocambolesque et ignoble complot, d’une sordide et exécrable cabale insuffisamment préparée et fomentée par des imbéciles rancuniers, revanchards et haineux qui pensaient avoir trouvé l’occasion idéale de se débarrasser d’un adversaire, d’un empêcheur de tourner en rond qui assure, exerce et assume pleinement et efficacement son rôle de vigie de l’utilisation et de la destination de nos deniers publics, en l’occurrence Ousmane Sonko. Le scénario a été maladroitement conçu et pitoyablement interprété par de minables histrions guidés par le gain facile.
Dans cette affaire la justice a fait montre d’une lenteur suspecte qu’aucun argument sérieux ne peut justifier. Dans ce cas d’espèce la justice a adopté un train de sénateur alors que dans l’affaire Khalifa Sall, le fast-tract a été de mise. On ne cesse de nous seriner avec ce poncif éculé selon lequel le temps de la justice n’est pas le temps de la politique, alors qu’il est évident qu’au Sénégal le temps de la justice s’identifie au temps des intérêts et des objectifs politiques de l’exécutif. Notre justice qui a en sein de nombreux magistrats compétents, honnêtes, dignes et très respectueux de leur serment et qui a connu d’éminents juges qui constituent des références voire des icônes, doit nécessairement et obligatoirement se faire violence pour s’affranchir de la tutelle du pouvoir exécutif et rompre définitivement les liens vassaliques qu’elle entretient avec les gouvernants. Le professeur Kitane disait de fort belle manière que « La justice est, certes, le bouclier principal contre l’aliénation politique et l’arbitraire, mais elle est également le glaive par lequel le prince corrompu exécute son peuple. »

Aujourd’hui, notre pays semble baigner dans une atmosphère délétère, une ambiance polluée qui n’augurent rien de bon. La société sénégalaise est envahie par des effluves à fort relent érotique, des sonorités lascives, des images et des comportements à la lisière de la pornographie ; les contrevaleurs et les anti valeurs sont érigées en références, toutes choses traduisant la déliquescence morale qui nous guette et dont la prégnance pourrait constituer une véritable menace pour notre sécurité ontologique, c’est-à-dire, notre confiance dans la continuité de notre propre identité et dans la constance des environnements d’action sociaux et matériels. Il faut un sursaut collectif et individuel pour stopper la dérive.

LE POUVOIR AU PEUPLE. TERMINUS 2924.

Boubacar SADIO

Commissaire divisionnaire de police De classe exceptionnelle à la retraite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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