Les enseignements de Limamou Laye ne cessent d’influencer la vie de millions de fidèles. D’une part, ils continuent de vivifier la foi des adhérents à son Appel. D’autre part, c’est toute une philosophie d’hospitalité et d’égalité qui s’en dégage. Quelques aspects sociaux des enseignements du Mahdi.
«Le Lébou s’est toujours montré pragmatique et choisissait de partager l’avenir avec celui qui lui paraissait animé de bonnes intentions, en venant manifester la volonté de s’installer à ses côtés.»
Ainsi, l’historien Adama Baytir Diop présente-t-il le Lébou dans son ouvrage consacré à cette communauté de la presqu’île du Cap-Vert. C’est, à l’en croire, dans son Adn d’être accueillant. Une telle prédisposition culturelle est conservée, lorsque transposée sur le plan religieux.
Les Layénes sont sans doute la première communauté religieuse de Cambérène, puisque ce village d’antan qui s’est aujourd’hui colorié d’hôtes de différents horizons, a été fondé par Seydina Limamou Laye.
Fidèles aux enseignements de ce dernier, les Layénes ont hérité de ses sermons le sens de l’hospitalité. Aboubacrine Barham Ndiaye n’en dira pas moins. Le chef religieux est depuis plus de quinze années, installé à Cambérène 2. Il est affilié à Baye Niass (Tidjaniya) et voit dans le Layène un exemplaire voisin.
«Je peux vous témoigner que ce sont des gens paisibles, accueillants et très hospitaliers. Je vis avec eux depuis longtemps, et jamais je ne les ai entendus proférer des paroles malsaines à mon endroit», dit-il. Le guide religieux ne manque pas aussi d’anecdotes allant dans le sens d’authentifier son témoignage sur la communauté des adeptes de Limamou Laye. Tous les vendredis, ses disciples et lui tiennent une assemblée de zikr. Et, il le fait remarquer, ses baffles sont assez puissantes. Seulement, jamais une remarque ne lui a été faite. Ou, si…une fois.
Mais c’était sans compter la parole du fils du khalife des Layénes qui lui a renouvelé son hospitalité. A Cambérène 2 donc, sous les effluves de la mer, le dialogue intra-religieux n’est pas qu’un slogan. La preuve, avec cette cohabitation sans couacs, entre Layénes et Tidianes : une cohabitation au rythme de la paix quotidiennement.
Ahlou Lahi, là où la fraternité n’est qu’en Allah
Quotidiennement, aussi, dans toutes les zones habitées par les Layénes, de Yoff à Rufisque, en passant par Mbao ou encore Malika, les salamalecs sont ponctués du vocable «Laye».
Chez ces gens-là en effet, le nom de famille s’éclipse pour laisser la place à celui indiqué par Seydina Limamou Laye. «Le nom de famille Niang, c’est juste pour l’état civil, mais nous tous, nous nommons Laye», dit Hady Lamine Mouhamadou Abdoul Bahi.
Il fait partie de ces milliers de fidèles layènes qui ont préféré «Laye» à Ndiaye, Ndoye, Gomis, Faye ou Sow…Et ce n’est pas qu’un simple exercice de style et de démarcation que de renoncer à son nom de famille pour épouser celui de la communauté. Le commerçant, qui est dans la ferveur de la préparation de la célébration de l’Appel prévu ces 4 et 5 mai, explique une des raisons pour lesquelles chez le Mahdi, tous se nomment Laye.
Pour lui, les noms de famille sont des marqueurs sociaux. En ce sens alors, ils ne sauraient être neutres. Ils participent de fait, à une stratification sociale qui ne dit pas son nom. «Inégalité», «discrimination», sont ces mots, des maux qui peuvent gangréner le tissu social, à travers les noms de famille. Référence est faite aux castes par ce «Niang» qui se réclame «Laye».
L’homme au foulard blanc entouré de livres dans son magasin, conclut, au vu de ce qu’il a précédemment expliqué, qu’ «en gros, c’est pour éviter ces notions de discrimination et de supériorité entre les hommes, que Seydina Limamou nous a invités à enterrer les noms de nos pères pour adopter le patronyme Laye». Un acte de foi certes (notre interlocuteur confie qu’il y a de plus profondes explications), mais qui revêt bien une signification sociale.
L’accoutrement des Layènes aussi n’est pas socialement neutre, parce qu’il vise…la neutralité. Il n’est pas rare qu’un spectateur s’extasie devant la beauté et la coordination des mouvements qu’exécutent les Layènes, durant l’Appel, au moment des chants. La chorégraphie est millimétrée, embellie aussi par l’uniformisation de la couleur. Encore faut-il rappeler que c’est la recherche de l’harmonie sociale qui est à la base de cette injonction à revêtir le blanc en terre layène. Parce que tous les hommes naissent égaux, il n’y a pas à se distinguer les uns des autres par l’habillement.
L’imam Boury Ndoye explique que de loin, une fois que tous sont de blanc vêtus, il devient impossible de distinguer le riche du pauvre ou encore de pouvoir déceler le rang social dans une masse où tous ont adopté le même code vestimentaire. Il soutient que c’est cette sagesse qui sous-tend la préférence du blanc, et parce que cette couleur est symbole de pureté. En sa qualité d’imam, M. Ndoye (Laye) informe que le guide de la communauté des hommes en blanc est le premier à introduire ce qui, aujourd’hui, pourrait s’apparenter à une révolution sociale : permettre aux femmes d’accéder aux mosquées.
«Il a été le premier à le faire», scande-t-il. Il est par ailleurs aussi, le seul à apporter une innovation majeure dans la manière de s’acquitter de la zakat. Mensuellement ! De concert, Hadi Lamine Mouhamadou Abdoul Bahi et l’imam Boury soutiennent que socialement, il est naturellement plus efficace de s’acquitter de la zakat avec la méthode mahdiste, puisque les besoins de celles et ceux à qui elle est destinée ne sauraient attendre toute une année pour être satisfaits. Le mois n’est d’ailleurs pas la référence temporelle absolue pour ce qui est de s’acquitter de la zakat : Hadi Lamine dira que «même la commerçante, à la fin de sa journée, doit déduire de sa recette le dixième destiné à la zakat, avant de songer à se réapprovisionner en marchandises».
Par Moussa SECK