Thiaroye 44: Des Libérateurs ont été massacrés Par Abdou Diéne

 


« Si ce n’était pas les Noirs, Noirs comme du Charbon, Nombreux comme des fourmis, braves comme des lions, robustes comme des baobabs je bombarderai la France en 24 heures et je mettrai De Gaulle dans une bouteille carrée et le jetterai dans l’océan atlantique... ». Ces mots me rendent nostalgique au point de me téléporter des décennies derrière moi, dans mes classes primaires. 

Gravés dans la mémoire, bien qu’on n’avait pas encore vraiment conscience de toute la signification, on n’arrivait pas à rester insensible face à l’expression émotive et de la bravoure cristallisées dans l’inconscience du temps (et par le fait de l’Homme) que chaque tonalité de cette récitation dégivre. Ils étaient beaux, ils étaient forts, ils étaient braves et ils étaient les « vainqueurs trahis » de la guerre. 

Ils sont des libérateurs « chaires à canon », toujours en première ligne face aux ennemies : le froid, le dépaysement, la Wehrmacht (les forces armées nazis) etc. Vainqueurs ils ont été humiliés par une France victime d’un complexe de supériorité, qui n’a pas rougi en déclenchant la fameuse et humiliante opération de « blanchiment » des troupes françaises qui consiste à anticiper la démobilisation des troupes des Tirailleurs Sénégalais afin que leur image n’apparaisse pas à la face du monde comme libérateurs qu’ils sont.

Libérateurs ils ont été trahis par leurs ex camarades de front qui amnésiques et racistes n’ont pas pensé au service qu’ils ont rendu à la France, à l’occident et à l’humanité toute entière et les ont massacré au Camp de Thiaroye le 01 décembre 1944.

Cela fait soixante neuf (69) ans jour pour jour que nous nous souvenons de cette tragédie. Je ne parlerai pas de pension. Je ne parlerai pas d’indemnité. Je ne parlerai pas de reconnaissance. Je ne parlerai pas de compensation. Je ne parlerai pas de compassion. Je ne parlerai pas de réparation. Je ne parlerai pas d’aide. Je ne parlerai pas, non plus, de l’histoire pervertie. Personnellement, c’est le passé, le présent et le devenir qui m’interpellent et je partage mon angoisse avec vous. A la manière d’un militaire au garde à vous, fier, torse bombé, yeux grand ouverts, auscultons l’horizon. Si notre vécu est maigre et chétif c’est parce qu’on l’a toujours gavé d’illusions. Le vendeur d’illusions cauchemarde (très souvent même). Pourtant, si on y voit plus clair, à chaque fois qu’il a cauchemardé il s’est retourné vers l’Afrique pour engraisser ses rêves de richesse et de liberté.

Le sentier qui mène, l’occident, à l’Afrique est bordé d’horreurs et d’injustices. La traite des Noirs, le colonialisme, le néocolonialisme ne sont pas seulement de simples faits isolés dictés par l’instinct de survie de leur auteur. Non ! Ils entrent dans le sillage d’une idéologie, d’une politique, d’une somme de croyances et de pensées philosophiques qui les entretiennent et tentent de les justifier tout le temps et par tous les moyens. Leur objectif est constant. Ce qui change vraiment, c’est le contexte et naturellement la stratégie et les moyens utilisés pour arriver à leur fin : le contrôle de l’Afrique et de ses ressources.

Paraît-il que c’est l’occident qui élit et destitue nos dirigeants ? Paraît-il c’est l’occident qui assassine nos grand hommes, comme l’ont été Sankara et Lumumba, afin d’étouffer leur tentative de conscientisation de leurs peuples? Paraît-il que c’est l’occident qui crée nos conflits puis s’installe chez nous pour y réinstaurer la paix ? Paraît-il que c’est le hasard qui a toujours voulu que les conflits et leurs interventions tombent chaque fois sur des pays riches en pétrole, diamant ou uranium ? Voila autant de suspicions qui laissent planer autant de non-dits.

En tout cas nous autres, petit-fils des Tirailleurs Sénégalais, l’histoire nous a servi tellement de leçons, chacune encore plus hallucinante que l’autre. Et chaque fait, chaque événement ou chaque tragédie vécue devrait être comme un pas qui nous sort de l’obscurité vers la sagesse. La sagesse est une étape évoluée de la liberté, la liberté d’entendre au-delà de ce qui se dit et de lire derrière ce qui s’écrit. Prenons notre destin en main, ce n’est trop tard !

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