C’est une décharge à ciel ouvert, qui étend ses tentacules putrides aux portes de Dakar. Un lieu délaissé par les autorités, mais doté de sa propre géographie : rivières de ferrailles usagées, criques d’ordures sédimentées, vallons de déchets moisis culminant jusqu’à 18 mètres, dangereuses mares de verre brisé. Le long d’une route de fortune, des petits villages de tôle ou de carton. Dans cet enfer minéral travaillent et vivent 2 000 personnes qui, du soir au matin, s’échinent à récupérer le fer, le bois et le carton crachés par la capitale. Bienvenue à Mbeubeuss, paysage de cauchemar planté dans un décor de science-fiction.
Bien sûr, il y a l’odeur. Cette suffocation qui prend aux tripes sitôt qu’on entre dans la décharge – territoire abandonné grand comme 160 terrains de football. Mais l’odeur n’est rien face au désastre sanitaire, environnemental et humain niché au sein de ces 114 hectares d’ordures. Les immondices s’infiltrent dans la nappe phréatique et corrompent l’eau que boivent les populations attenantes. Les émanations de brûlis font suffoquer les hommes, les femmes et les enfants des environs. Elles contaminent les plantations à des kilomètres à la ronde. Elles empoisonnent les animaux qui trouvent pitance parmi les collines de cartons moisis, les nuées d’exhalaisons fétides et les flaques d’eau noirâtre. Et avec eux, les hommes.