Locales 2022 : Les causes de la scission de l’opposition


Dès l’annonce du lancement de la coalition « Yewwi Askan Wi », avant-hier, le Parti démocratique sénégalais (Pds), Bokk Gis Gis et And Jëf (Aj) de Mamadou Diop Decroix ont dit qu’ils n’allaient pas intégrer la nouvelle structure. Le Pds dénonce « plusieurs jeux dans l’ombre » et des « détours et subterfuges inutiles » qui plombent toute initiative de coalition.


Pour le Professeur Moussa Diaw, de l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, la faisabilité de la grande coalition de l’opposition sera difficile. Il estime qu’on peut parler d’échec au moment où de grands partis comme le Pds déclinent l’offre. Cette démarcation, affirme-t-il, va fragiliser l’opposition. « Elle montre l’incapacité à dépasser les contradictions entre les leaders, les égos, les ambitions personnelles et les intérêts particuliers. C’est dommage que les leaders ne soient pas capables de dépasser ce cap. Le problème, c’est l’union. Ils ne sont pas unis », soutient M. Diaw.

« Au vue de ce qui ce qui se passe, il y a des raisons qui peuvent faire douter de la possibilité pour les partis de l’opposition les plus significatifs de se réunir autour d’une coalition », affirme Jean-Charles Biagui, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar. Il est d’avis que les uns et les autres agissent de manière stratégique parce qu’il y a beaucoup d’enjeux : élections locales et positionnement. « Il y a beaucoup de pesanteurs et de contraintes probablement liées à des questions d’égo mais aussi de leadership », note M. Biagui.

Pour Moussa Diaw, « ce n’est pas de petites formations qui vont régler le problème. Ces partis ont des leaders médiatiques, mais ils leur manquent une base et ils n’ont pas montré une capacité de mobilisation ». Sur ce, il pense qu’un parti comme le Pds aurait pu servir de locomotive à la nouvelle coalition.

Les coalitions, une règle depuis 2000

Mais quoi qu’il advienne, M. Diaw indique qu’il y aura des coalitions avec la pléthore de partis lilliputiens. Il rappelle les présidentielles de 2000, de 2012 et de 2019 pour dire que les coalitions sont devenues la règle et qu’aucun parti ne peut gagner à lui seul une élection. Un point de vue que partage Jean-Charles Biagui selon qui les partis politiques d’opposition ont habitué les Sénégalais à des coalitions depuis l’an 2000. L’universitaire rappelle que des coalitions ont permis au Sénégal de connaitre deux alternances. « C’est une réalité qu’aucun leader politique ne peut ignorer », soutient-il, précisant que cette volonté de s’unir est liée à une réalité politique.

Rappelant les raisons avancées par le Pds, Bokk Gis Gis et Aj, Moussa Diaw soutient que ce n’est pas une question d’ambition politique ou de partis anciennement implantés, mais plutôt d’opportunité politique. « De toutes les façons, estime-t-il, cet échec ne va pas décourager les initiateurs à élargir la coalition et associer d’autres forces politiques ».

Jean-Charles Biagui n’écarte pas l’hypothèse de voir plusieurs coalitions au sein de l’opposition. Il indique que les partis et mouvements politiques qui se dégagent autour de la nouvelle coalition, à savoir Pastef, Pur et « Taxawu Sénégal », ont participé aux dernières élections et mesurent les enjeux. « Ces partis ont compris qu’ils pouvaient beaucoup gagner en s’unissant », affirme l’enseignant-chercheur. Il se demande pourquoi ces partis n’ont pas, au début, invité les autres formations politiques et mouvements en donnant une réponse. À son avis, « ce sont probablement les trois les plus significatifs de l’opposition si on y ajouter le Pds ».  Dans tous les cas, estime M. Biagui, l’enjeu des coalitions est important.

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