Sur sa page Facebook, l'un des avocats des activistes Kilifeu et Simon est revenu sur le déroulement de cette affaire. Dans son texte Me Cheikh Khoureychi Ba est revenu sur "le revirement procédural opéré in extremis” dans l’affaire du trafic présumé de passeports. Une affaire qui selon est liée, au désir du Parquet de faire payer aux artistes la plainte de Kilifeu contre Thierno Diallo et le site Leral auprès de l’unité spéciale de police chargée de la lutte contre la cybercriminalité.
Texte in extenso
Alors qu’en toute logique les deux artistes et leur accusateur THIERNO AMADOU DIALLO s’acheminaient ce lundi vers leur comparution directe devant le Tribunal des flagrants délits, le Procureur a brusquement rétro pédalé et ouvert une information. Les préventions mineures retenues au départ ont muté de manière inattendue en un déluge d’infractions dont la seule énumération est déjà un exercice rébarbatif :
-Association de malfaiteurs,
-corruption
-tentative de faux dans un document administratif
-tentative de trafic contre Kilifeu et X,
-complicité de corruption
-complicité de tentative de faux
-usage de faux document administratif et complicité de trafic de migrants contre Thierno Amadou DIALLO
-tentative de trafic de migrants et complicité d’usage de faux contre Simon Kouka… OUF !
Déjà désigné il y a deux jours pour instruire le dossier de trafic présumé des passeports diplomatiques impliquant un nombre encore indéterminé de membres de l’Assemblée Nationale, le juge du 2ème Cabinet d’instruction du TGi H-C de Dakar ABDOULAYE THIOUNE a également hérité de ce dossier.
Après avoir inculpé et placé en détention le sieur Thierno DIALLO (les scandales sont inévitables mais malheur à celui par qui le scandale arrive [Luc,17]), le magistrat a entendu les deux rappeurs qui ont pris tout leur temps pour faire leurs objections face au réquisitoire du substitut BENOIT FAYE.
Ensuite le juge a laissé les conseils s’exprimer librement sur la procédure et les lourdes charges retenues, ainsi que sur l’opportunité et la nécessité du placement sous mandat de dépôt.
Tour à tour Maîtres Abdoulaye TALL, Seyba DANFAKHA, Omar FATY, Bamba CISSÉ, Moussa SARR, votre serviteur et Ciré Clédor LY ont tenté de saper l’édifice laborieusement construit par le Procureur pour étayer les charges pesant sur les trois personnes poursuivies et X, personne non définie, non identifiée et que l’information déterminera chemin faisant, ce X risquant d’être un cas contact ou peut-être un cas communautaire dans ce dossier sous forme, qui sait?, de la personne de l’excellentissime Consul de France.
En convoquant intempestivement le délit de corruption dans ce dossier apparemment simple, le parquet expose à un retour de flammes le juge en charge du dossier en l’obligeant à investiguer vaille que vaille pour déterminer qui est le corrupteur et qui est le corrompu. Tant mieux si, à force de chercher, la main droite attrape la main gauche! Cette affaire aurait au moins le mérite de lever un coin de voile sur les pratiques usitées dans certains cénacles diplomatiques pour satisfaire l’appétit immodéré des Sénégalais pour les voyages en Europe. La licéité ainsi que le caractère frauduleux des modes de preuve utilisés en dehors de tout esprit chevaleresque pour déclencher des poursuites en dehors de toute plainte provenant d’une prétendue victime ont puissamment interpellé les juristes réunis autour de ce dossier en mettant en exergue la collecte des données et leur diffusion absolument illégales que la
jurisprudence et la loi (431 du Code Pénal) condamnent au moment où la loi sur le trafic de migrants (article 8 in fine) les déclare recevables en subordonnant néanmoins cette recevabilité au pouvoir souverain d’appréciation du juge (article 415 du Code de Procédure Pénale). Ce débat incontournable se devait d’être campé puisque de toute évidence le revirement procédural opéré in extremis par le parquet procède du désir irrépressible de faire payer aux artistes cette plainte de Kilifeu contre Thierno DIALLO et le site LERAL auprès de l’unité spéciale de police chargée de la lutte contre la cybercriminalité.
En refusant les demandes pressantes de la défense de laisser les inculpés en liberté au besoin sous contrôle judiciaire, le juge THIOUNE a argué que les faits ont gravement troublé l’ordre public, que ce trouble demeure persistant et que pour éviter toute collusion frauduleuse et tout risque de réitération des faits il convenait de les placer, fut-ce temporairement, sous mandat de dépôt. Les faits n’étant fort heureusement pas criminels, l’instruction sera en conséquence bouclée dans les six mois. Avec à la clef un renvoi devant la juridiction de jugement, si mieux n’aime le juge THIOUNE ordonner le non-lieu en leur faveur”.